L'inclusion en débat à Pluriel.les

21 mars 2022
Lors de sa journée de clôture, le Festival Pluriel.les organisait deux tables rondes sur l’inclusion. La première autour des personnalités atteintes d’un handicap et la seconde autour de la communauté LGBTQ.
débats inclusion

L’un des enjeux fondamentaux de la manifestation culturelle cofondée par Quentin Delcourt et Laurence Meunier consiste à dévoiler des œuvres empreintes d’un imaginaire incitant à davantage de parité et d’inclusion de toutes les communautés. Dans le cinéma comme dans la société. Un militantisme assumé qui ne se vérifie pas seulement dans les différentes sélections de longs et de courts métrages du festival, mais aussi dans ses débats où des professionnels témoignent de ses enjeux de plus en plus incontournables pour l’industrie.  

L’un d’entre eux portait sur l’inclusion des personnalités handicapées à l’écran. Modéré par Pascal Parsat, expert du vivre ensemble chez Audiens et fondateur du Centre Ressources Théâtre Handicap, ce dernier a rappelé que 12 millions de français sont reconnus comme handicapés, que la moitié d’entre eux sont actuellement sans emploi, ou encore que, selon les études de l’Arcom, seulement 0,6% des productions audiovisuelles contemporaines donnent à voir des personnages en situation de handicap. Un constat alarmant pour Olivier Saby, co-fondateur de Impact Film et fondateur de l’Observatoire des images : « Soit l’imaginaire nous enferme, soit il nous émancipe. Avec si peu de représentation, personne ne peut se sentir concerné par la vie des handicapés qui ne se limite pas seulement à leur handicap. Après tout, un personnage de banquier ou d’avocat d’affaires pourrait parfaitement être incarné par un acteur se déplaçant en fauteuil roulant. En cela, tous ceux qui participent à la chaîne de production, des producteurs aux diffuseurs en passant par les directeurs de casting, portent une responsabilité politique quant à l’imaginaire qu’ils infusent dans l’esprit des spectateurs. Ils doivent s’interroger sur quelle société ils veulent donner à voir pour mieux inclure toutes ses composantes ». Des propos qui résonnent fortement dans l’esprit du comédien Mathias Raumel, en fauteuil roulant depuis l’âge de 15 ans et révélé par la série Skam : « Une fois devenu handicapé, je ne pensais pas pouvoir devenir interprète puisque je ne voyais jamais de comédien handicapé au cinéma ou à la télévision. Quand on n’est pas représenté, à l’écran ou ailleurs, on se sent invisible et sans avenir ».

Aller vers plus de légèreté

La dernière table ronde du festival portait autour des représentations de la communauté LGBTQ à l’écran. Une thématique qui a su générer de véritables succès populaires au cours des dernières années, notamment avec 120 Battements par Minute qui comptabilisait plus de 850 000 entrées en France à sa sortie, ou encore Portrait de la jeune fille en feu qui se classe dans les vingt plus grands succès jamais enregistrés par le cinéma français sur le marché américain. Le comédien Arnaud Valois, un des protagonistes du film de Robin Campillo, s’est exprimé sur le sujet : « au delà de la question de l’homosexualité, 120 Battements par Minute a brillé grâce l’universalité de son sujet qui porte avant tout sur la lutte pour la justice et l’engagement de la jeunesse. Ce n’est pas un film communautaire. Et c’est un acte fort de la part de France 3 que de l’avoir récemment diffusé en prime time sur son antenne ». Une diffusion qui a rassemblé 1,2 million de téléspectateurs le lundi 30 novembre 2020, pour une part d’audiences de 5,4%. Pour autant, comme l’a fait remarquer la réalisatrice Catherine Corsini, ces succès ne se confirment pas nécessairement sur d’autres productions car la plupart d’entre elles évoquent ouvertement la question de la représentation LGBT par le prisme du drame : « il est encore rare de voir un film où l’homosexualité d’un couple ne serait pas le sujet principal du film. C’est ce que je me suis employé à faire sur La Fracture où je parle avant tout de la situation de l’hôpital public et de la crise sociale. Et le couple joué par Marina Foïs et Valéria Bruni Tedeschi est un couple comme un autre ». D’où la nécessité d’aborder cette thématique avec davantage de légèreté comme en a témoigné Samuel Theis, réalisateur de Petite Nature, actuellement en salles : « Le plus souvent, ces films se construisent sur la difficulté à vivre son homosexualité. Mais il faut savoir construire d’autres formes récits. On peut faire des films militants. Mais le public a aussi besoin d’histoires plus légères ». Des propos appuyés par Cédric Le Gallo, coréalisateur de la comédie Les Crevettes Pailletées et de sa suite, La Revanche des Crevettes Pailletées, présentée en clôture du Festival Pluriel.les : « nous avons besoin de ces deux typologies de cinéma. J’ai tenu à réaliser Les Crevettes Pailletées car la dernière comédie française LGBT remontait à plus de vingt ans avec Pédale Douce ».

Une responsabilité politique

Si le public ne répond pas toujours présent, comme pour toute autre typologie de films d’ailleurs, les financiers demeurent néanmoins plus attentifs et sensibles à de telles propositions de cinéma qu’il y a vingt ans. Un studio comme Universal, qui n'accompagne que rarement des films français, n'a pas hésité à accompagner les sorties des deux films de Cédric Le Gallo. De son côté, la productrice Élisabeth Pérez (CHAZ Productions) n’a rencontré aucune difficulté pour rassembler de précieux partenaires, comme Canal+ et France Télévisions, afin de montrer des projets comme La Belle Saison ou La Fracture. Marie-Castille Mention Schaar a elle aussi pu bénéficier de l’appui du service public pour développer un film sur la transparentalité, A Good Man, qui a d’ailleurs été présenté à l’Assemblée Nationale. « La position des députés a évolué sur cette thématique tant le film leur a semblé accessible. C’est dans ces circonstances que l’on prend conscience que nous portons une responsabilité politique sur les sujets que nous défendons ».  

Le palmarès du festival Pluriel.les

  • Meilleur film : Moneyboys, de C. B. Yi (ARP Sélection)
  • Meilleure actrice : Wendy Chinchilla Araya dans Clara Sola, de Nathalie Alvares Mesén (Epicentre Films)
  • Meilleur acteur : Kai Ko dans Moneyboys
  • Meilleur scénario : Un hiver en été, de Laetitia Masson (Jour2Fête)
  • Meilleure actrice dans un second rôle : Irina Kiryazeva pour 107 (Cenzorka), de Peter Kerekes (Les Alchimistes)
  • Meilleur espoir : Gracija Filpović dans Murina, d’Antoneta Alamat Kusijanovic (KMBO)
  • Prix du jury : Clara Sola
  • Meilleur documentaire : Marcher sur l’eau, d’Aïssa Maïga (Les Films du Losange)
  • Prix Emergence : Olga, d’Elie Grappe (ARP Sélection)
  • Meilleur court métrage : Un corps brûlant, de Lauriane Lagarde
  • Prix du jury des partenaires : les Vertueuses, de Stéphanie Halfon (Mondina Films) ; mention spéciale à Un corps brûlant