Portrait de la nouvelle génération de créateur.rice.s de séries
Bigger Than Fiction a développé son activité en trois temps. D’abord société de communication spécialisée dans l’audiovisuel, elle a produit à partir de 2016 des œuvres digitales innovantes
En 2021, la société se positionne sur le marché des séries audiovisuelles de fiction avec la volonté de mettre à profit ses deux précédentes expériences. Souhaitant développer une approche nouvelle de la production, la société a lancé un appel à séries de fictions jeunes adultes. Démarche habituellement réservée aux diffuseurs, cet appel à séries répondait au désir de la société de produire des œuvres inclusives qui portent des voix marginalisées. Le premier constat est que l’appel a en effet permis à des scénaristes n’ayant aucune expérience sur des séries diffusées, aux parcours atypiques et n’ayant pas suivi les formations habituelles d’être lus sans à priori. La démarche a été plébiscitée par les créateur.rice.s francophones et leurs associations qui ont relayé l’annonce sur les médias sociaux permettant à la BTF de recevoir plus de 450 concepts de séries !
La société estime à 50% la part des créateur.rice.s en voie de professionnalisation. Les autres porteur.se.s de projets sont donc amateurs, c'est-à-dire des fans proactifs qui couchent leurs rêves de séries sur papier. Les porteur.se.s de projets étant majoritairement âgés entre 20 et 30 ans, peut-on considérer l’ensemble des projets comme un panel sériphile qui pourrait représenter les envies du public jeune adulte ? Certains sujets récurrents - la vie des personnes racisées, la santé mentale, les relations LGBT+, l’anticipation écologique et sociale, la vie en zones rurales, l’engagement associatif et politique, le handicap au travail, l'ésotérisme - pourraient être des tendances. Une autre : les nombreux projets de séries de collocations témoignent d’une forte envie de voir un Friends français Jeunes Adultes. Le baromètre que constitue la lecture de tous ces projets a influencé la sélection des projets par le jury composé des deux producteurs de la société et de deux diplômés du CEEA. Il ne sera donc donc pas surprenant de découvrir que certaines caractéristiques des projets gagnants correspondent aux enseignements de l’étude des participations à l’appel. Parmi les projets gagnants on retrouve ainsi une série de collocation qui observe les amours queers, plusieurs personnages issus de la diversité tenir le premier rôle, dans des séries qui se déroulent pour la plupart en région, voire en zone très rurale, une protagoniste atteinte de troubles mentaux.

Dans l’étude “L’écriture des films et séries en France” publiée par le CNC en 2019, on apprenait que 69% des scénaristes de séries diffusées en 2019 sont des hommes et que seulement 15% des scénaristes étaient âgés entre 25 et 34 ans. On observe alors que l’appel à projets a permis une meilleure participation des femmes et des jeunes à la création de séries françaises.
Il est donc pertinent de noter que parmi les séries gagnantes : deux projets sont portés par des femmes, un par un duo mixte et deux par des femmes et que deux projets sont portés par des vingtenaires, deux par des trentenaires.

Les scénaristes d’Ile de France sont incontestablement sur-représentés malgré le relai de l’appel auprès des associations locales. La participation très importante des scénaristes belges peut s’expliquer par l’absence d’agents artistiques dans le pays et le rôle crucial des associations et des groupes de scénaristes sur les médias sociaux. Aussi, la forme de l’Appel semble avoir favorisé les démarches personnelles et les projets portés par un seul scénariste, ce qui diffère de ce qu’observe la société habituellement : des projets très majoritairement créés à plusieurs.

Les œuvres de comédies représentent 50% des projets reçus. Il a été difficile de qualifier les genres des œuvres qui majoritairement en associent plusieurs. Ce fut particulièrement le cas des comédies. Cela a certainement influencé le jury qui a fait gagner 4 comédies singulières : comédie engagée, comédie policière délirante, RomCom de Noël high concept et comédie psychologique. Les œuvres de genre (fantastique, anticipation, science-fiction, horreur) étaient bien représentées, pourtant aucune n’a été retenue parmi les gagnants. La difficulté de transmettre un univers ambitieux dans un dossier de concept (6 pages) offre une explication.

La société a noté une véritable envie de réinventer la comédie française. Les concepts, personnages ou arènes de séries références actuelles et passées, américaines et françaises ont peu influencé les scénaristes. La série anglaise Fleabag étant un marqueur de ton pour cette génération. Les projets de comédies portaient majoritairement des récits authentiques, non stéréotypés, portés par des personnes qui maîtrisent les codes de l’univers et ayant un lien personnel avec le sujet. C’est évidemment le cas des 4 séries qui ont remporté l’appel !

La vingtaine est une étape de la vie pleine d'enjeux, de remises en cause, d’échecs à laquelle chacun est confronté.e. Un passage qui fait des récits d’émancipation des récits universels. Les projets gagnants sont tous des projets transgénérationnels qui pourront être vus par tous.tes.
Si les scénaristes résidant en Ile de France sont majoritaires, les lieux d’action sont eux beaucoup plus variés. Il est apparu une appétence pour des histoires qui se déroulent dans des métropoles de régions et dans des territoires ruraux. Sous l’influence de la crise Covid certainement, le retour dans sa région d’origine est un sujet remarqué.

Les notes d'intentions des dossiers ont témoigné d’un véritable intérêt de la nouvelle génération pour le format sériel court (entre 20 et 30 minutes). Le rythme et la simplicité de la dramaturgie sont plébiscités. Le format court permet la création de projets plus personnels, avec des enjeux plus simples (réalistes ?), portés par peu de personnages.