SVOD : 150 millions de résiliations prévues en 2022
Le cabinet Deloitte Global vient de publier une étude qui met en garde les streamers : l’intensification de la concurrence entre les plateformes et la rapide croissance de l’offre sont des facteurs qui vont accélérer les désabonnements des plateformes. Deloitte prévoit qu’en 2022, au moins 150 millions d’abonnements payants à des services de SVOD seront annulés dans le monde, avec des taux de “churn” (résiliation) pouvant atteindre 30% sur certains marchés.
Deloitte pondère néanmoins cette mauvaise nouvelle en expliquant que les “net add” c’est-à-dire la différence entre les résiliations et les souscriptions restera positive, preuve de la dynamique du marché de la SVOD, avec un nombre d’abonnements par personne qui continuera d’augmenter. Deloitte explique par ailleurs que certains streamers dépensent jusqu’à 200 dollars pour recruter un abonné, un chiffre qui varie en fonction des pays et de l’intensité de la concurrence. A mesure que les marchés sont saturés, le coût marginal d’acquisition tend à augmenter, ce qui oblige les streamers à mettre en place des actions de rétention très importantes afin d’éviter une fuite trop massive d’abonnés recrutés à prix d’or.
Le cabinet d’études mentionne que c’est aux Etats-Unis qu’on rencontre le taux de désabonnement le plus élevé. L’intensité de la concurrence, la rapidité avec laquelle les services se sont lancés et l’attrait des nouvelles offres ont incité les consommateurs à souscrire de nombreux abonnements puis à s’apercevoir qu’ils allaient devoir arbitrer, en particulier sous la pression du déploiement des offres de Avod et des chaînes Fast, gratuites et financées par la publicité. Deloitte estime qu’en 2021, environ 80% des ménages américains auront un abonnement Svod payant, avec un taux de churn estimé à 35%. Deloitte fait remarquer que les streamers cherchent à fidéliser leurs abonnés en dépensant des milliards de dollars dans les programmes, alors qu’il conviendrait peut-être de dépenser moins afin d’éviter aux consommateurs des hausses de prix régulière de leur abonnement. C’est la raison pour laquelle les streamers amé- ricains sont assez nombreux à considérer la tarification de leurs services comme un levier très intéressant pour lutter contre le churn, en proposant des offres moins chères, voire même gratuites en ajoutant de la publicité. Pour l’illustrer, d’un côté on voit Netflix et Disney + dépenser de plus en plus dans les pro- grammes et augmenter régulièrement leurs prix d’abonnement, et de l’autre Viacom pousser son service gratuit Pluto TV financé par la publicité avec des programmes moins premium.
L’Europe n’a pas échappé au mouvement américain, même si le taux de désabonnement constaté par Deloitte est plus faible, variant de 7 à 23% à la mi-2021 ; un taux qui devrait grimper jusqu’à 25% en 2022 en raison du grand nombre de lancements de nouvelles plateformes.
Deloitte considère que le modèle asiatique, principalement basé sur l’AVOD et des abonnements à bas prix, sur des offres multiservices et privilégiant le mobile pourrait se répandre rapidement dans les zones plus matures, l’Amérique du Nord et l’Europe. Deloitte estime qu’au fur et à mesure que la SVOD arrivera à maturité sur ces marchés, sa croissance sera de plus en plus basée sur des modèles publicitaires et que la mesure du succès de la SVOD sera moins le nombre d’abonnés que le revenu global généré par tous les services, laissant penser qu’un même service pourra se décliner en plusieurs formats.
Les recommandations de Deloitte
Quel que soit le modèle choisi par les streamers, la maîtrise du taux de churn est une priorité pour les années à venir. Dans un contexte concurrentiel très actif, on sait que les coûts des programmes ne baissera pas, que les coûts d’acquisition augmenteront et que la pression marketing ne pourra pas faiblir. Dans ces conditions les streamers devront mettre en place les quatre recommandations formulées par Deloitte :
- Offrir plus de niveaux de prix. Avec plus de niveaux de prix, on peut gérer plusieurs segments de clientèle, adaptés à chaque marché. Proposer des offres avec de la publicité pour cibler le marché le plus large et proposer des offres premium payantes avec des avantages comme des previews et/ou des événements sportifs. Enfin, déployer des programmes de récompenses pour per- mettre à des abonnes gratuits d’accéder aux offres payantes.
- Construire des partenariats. Les accords avec les opérateurs télécom et les studios sont essentiels pour toucher un grand nombre de clients potentiels. Ces accords sont déjà très répandus dans tous les grands pays, en particulier en France.
- Comprendre la valeur du client. Disposer de meilleures données sur les petits segments de clientèle peut s’avérer essentiel pour développer des tactiques plus efficaces de personnalisation du contenu. Prévoir le moment où un client risque de partir en raison d'une sensibilité croissante aux coûts ou d'une indifférence au contenu - et même de réduire le risque de développer un nouveau conte- nu grâce à une meilleure compréhension de ce qui réussira à différents segments peut aussi être déterminant dans la lutte contre le churn. Deloitte énonce une la palissade : “en utilisant les données pour comprendre la valeur à vie d'un client, les fournisseurs peuvent développer des relations plus durables, notamment avec les groupes d'âge les plus rentables : un client de 20 ans qui reste fidèle peut générer des décennies de revenus récurrents.”
- Apprendre des autres fournisseurs. Les fournisseurs de SVOD peuvent anticiper et réduire le taux de désabonnement en s'inspirant des services à la demande qui arrivent à maturité dans le monde entier. Ils peuvent aussi s'inspirer des télécoms, qui ont passé des décennies à gérer les désabonnements, ainsi que des entreprises de jeux et de médias sociaux, les deux principaux concurrents de la SVOD.
En guise de conclusion, Deloitte écrit : “le succès de la SVOD s'est construit sur l'offre d'une alternative flexible aux coûts et aux contraintes de la télévision payante, et les consommateurs ne sont pas prêts à renoncer à la liberté à laquelle ils se sont habitués en constituant eux-mêmes leurs offres de divertissement. Le succès ultime des fournisseurs de SVOD résidera probablement dans l'établissement d'une relation durable avec les consommateurs et non dans la recherche de moyens de rendre leur départ plus difficile.”
L’intensification de la concurrence entre les services de streaming, payants et gratuits aura des conséquences sur les taux de désabonnement, parce que les consommateurs n’ont pas un budget de divertissement infini. Avec en embuscade, les offres gratuites qui rêvent de détrôner les streamers payants.
Pascal Lechevallier