François Kraus et Denis Pineau-Valencienne (Les Films du Kiosque) : "Heureusement que l’on peut encore produire des films sur les épreuves de la vie"

24 novembre 2021
Les deux producteurs évoquent le tournage du nouveau film d'Emmanuelle Bercot et témoignent de leur confiance quant à la reprise prochaine de l'exploitation.

« De son vivant » marque votre nouvelle collaboration avec Emmanuelle Bercot, six ans après « La Tête Haute ». Comment vous a t-elle présenté ce projet ?

DPV : Elle nous l’a présenté comme un mélodrame parfaitement assumé, avec beaucoup d’émotion. Par ailleurs, elle souhaitait développer un long travail d’immersion et de documentation auprès du Professeur Sara, qui joue son propre rôle dans le film. Pour cela, elle est restée au plus près de lui, dans son hôpital, durant des mois afin de comprendre comment il accompagnait ses patients dans leur fin de vie. C’est une méthode qu’elle avait déjà appliquée pour La Tête Haute où elle s’était immiscée dans l’univers des juges pour enfants.

Bien que le film soit effectivement émouvant, le sujet n’en demeure pas moins, a priori, glaçant. Ne craignez vous pas que des histoires si tristes puissent s’imposer péniblement sur le marché ?

FK : Bien au contraire. L’histoire du cinéma démontre que la maladie, la mort, la perte et le deuil sont autant de thèmes qui ont apporté de grands succès populaires, de Love Story à La Chambre du Fils en passant par Amour. Ce sont des sujets forts, qui concernent chaque individu. Heureusement que l’on peut encore intéresser le public en produisant des films sur les épreuves douloureuses de la vie. Dans le cas contraire, on ne produirait plus que des comédies désincarnées et débiles.  

Vous n’avez donc eu aucune difficulté à rassembler des partenaires ?

DPV : Absolument. De Studiocanal à France 2 en passant par Canal+, Ciné+ ; la région Île de France et le CNC via l’avance sur recettes. Tous ont manifesté un intérêt immédiat pour le scénario et pour la promesse de l’association de certains des plus grands acteurs francophones de leur génération : Catherine Deneuve, Benoit Magimel, Cécile de France. Il s’agit d’une proposition de cinéma non formatée. Et qui peut donc trouver son public.

Que retenez vous du tournage qui a connu pas moins de deux interruptions ?

FK : Cela a été un cauchemar inversement proportionnel à la qualité du film. Nous sommes très fiers de cette oeuvre qui marqué à la fois nos vies d’hommes et de producteurs. Mais que ce fut douloureux. Le tournage a débuté il y a maintenant deux ans. Il a effectivement été interrompu une première fois suite à l’accident de Catherine Deneuve puis une deuxième fois en raison du confinement. Tout cela alors que nous avions construit un décor dans un studio que nous mobilisions depuis des mois. Il s’agit d’un des plus importants sinistres du cinéma français. Heureusement, nos assureurs ont été à nos côtés et nous ont permis d’être complètement remboursés des frais de production supplémentaires que nous avons dû engager.

Lorsque le confinement a été décrété, vous aviez plusieurs projets qui ont été interrompus à différentes étapes de leur parcours. La Bonne Épouse était en salles et elles ont fermées. De son vivant était donc en tournage. Et la 2ème saison de Family Business était en montage. Sans oublier tous vos projets qui étaient en écriture ou en développement. Comment avez-vous géré cette suspension du temps et préparé la reprise ?

DPV : La priorité était d’achever le tournage du film d’Emmanuelle Bercot. La postproduction de la 2ème saison de Family Business a pu se poursuivre durant le confinement car nous avions fait installer les logiciels de montage au domicile des monteurs. Et l’exploitation de La Bonne Épouse a pu reprendre convenablement puisque que le film a généré plus de 630 000 entrées. Après quoi, nous avons pu reprendre la production de tous nos projets. À tel point que nous avons cinq films à sortir en 2022 et 2023 : Kung Fu Zohra, de Mabrouk el Mechri, Les Femmes du Square, de Julien Rambaldi, Un hiver en été, de Laetitia Masson, sans oublier nos nouvelles collaborations avec Andréa Bescond et Éric Métayer sur Quand tu seras grand, ainsi que nos retrouvailles avec Nicolas Bedos sur Mascarades. Des propositions variées qui nous donnent confiance en l’avenir. Même si le marché des salles demeure, pour le moment, relativement sinistré.

À ce propos, espérez vous un retour à la normale pour l’exploitation ?

FK : J’en suis persuadé. Il nous faudra certes rassurer le public quant à la situation sanitaire et convaincre les spectateurs qui ont perdu l’habitude de se rendre à nouveau au cinéma mais je suis convaincu que les Français resteront attaché à notre si beau parc de salles. Mais pour cela, il faut leur faire des propositions à la fois inédites, singulières et fortes. Là aussi, je suis rassuré quand je vois la variété et la qualité des œuvres françaises de ces dernières semaines ou des semaines à venir, d’Illusions Perdues à Eiffel en passant Aline, L’événement ou Les choses humaines. Si on maintient ce niveau exceptionnel de diversité et de qualité, on ne peut que garder espoir quant au rayonnement du cinéma français en salles.