4 questions à Mikaël Muller-Knisy (Les Bookmakers)

26 mai 2021
A l’occasion de la sortie du film noir de Jérémie Guez, Sons of Philadelphia, le directeur de la programmation des Bookmakers évoque son line-up des mois à venir et témoigne de la nouvelle vie de la société The Jokers, dont il distribue les films, et qui a réorienté sa politique éditoriale après le triomphe récent de Parasite.

Comment avez-vous élaboré votre programmation à l’annonce de la réouverture des cinémas ?

Nous avons essayé d’élaborer le calendrier le plus cohérent possible. On ne souhaitait pas positionner un film sur la semaine de la reprise car on tenait à laisser le marché reprendre et laisser revivre les films qui ont vu leur exploitation s’interrompre brutalement car ils méritaient une seconde chance. C’est ainsi que nous avons programmé le polar de Jérémie Guez une semaine après la reprise, soit le mercredi 26 mai. Nous travaillons d’ores et déjà sur la sortie de La Nuée que nous sortirons le 16 juin. Ce qui nous permettra de bénéficier des séances en soirée. Un paramètre important pour un tel film qui peut séduire aussi bien les passionnés de cinéma de genre que les amateurs de films français. Puis nous distribuerons Teddy le 30 juin où nous bénéficierons des séances à 22 heures qui sont nécessaires pour attirer le jeune public. Nous avons également de superbes rétrospectives pour cet été dont l’une consacrée à l’œuvre de Maurice Pialat. Sans oublier la ressortie du chef d’œuvre de Wong Kar Waï, In The Mood For Love, qui fête son vingtième anniversaire et dont la copie d’origine a été restaurée dans une version absolument sublime. Nous sortirons enfin le thriller finlandais d’Hanna Bergholm, Ego, le 18 août.

Des films comme La Nuée et Teddy témoignent de la volonté de The Jokers d’accompagner de nouveaux auteurs français. Que pouvez-vous nous dire sur cette nouvelle politique éditoriale ?

Après le succès planétaire de Parasite, Manuel Chiche a voulu construire une société dont la priorité serait d’aider au retour des jeunes spectateurs dans les salles de cinéma. Il a donc divisé le line up en deux parties bien distinctes. La première concerne nos grands auteurs internationaux que nous continuerons d’accompagner comme Bong Joon-ho, Nicolas Winding Refn, Park Chan-wook ou Fabrice du Welz. La seconde doit permettre le renouvellement du cinéma français et l’émergence de nouveaux talents. On travaille donc principalement sur des premiers, deuxièmes et troisièmes films pour aider des cinéastes à se forger une filmographie. Nous souhaitons les aider à acquérir la reconnaissance qu’ils méritent. Ce sont de jeunes auteurs qui peuvent séduire un jeune public car leurs films sont divertissants et défendent un propos très contemporain. La Nuée, de Just Philippot, n'est pas seulement un film de terreur sur une invasion de sauterelle mais surtout un constat effrayant quant aux drames causés par la surproduction agricole et l’aliénation au travail.

Vous semblez donc vous spécialiser davantage dans le film de genre à la française ?

Nous ne sommes pas guider par le genre mais par l’effet de surprise. Le genre est un dénominateur commun mais chacun de nos films a sa singularité et chacun(e) des cinéastes qu’on accompagne a son parcours et sa propre vision du cinéma. On ne se refuse rien. Ni comédie, ni drame, ni thriller dès lors que l’on a un coup de cœur pour un scénario original. On veut surtout qu’il y ait une grande promesse de cinéma car c’est cela qui fait la différence pour découvrir un film sur grand écran.

Vous venez d’annoncer la production de L’année du requin, le premier film français de requin qui sera réalisé par deux de vos auteurs, Ludovic et Zoran Boukherma. Que pouvez-vous nous dire sur cet étonnant projet ?

Ce n’est pas un remake des Dents de la mer mais cela reste un vrai film de requin. Après s’être attaqué à la figure du loup garou dans Teddy, ils s’attaquent à celle du requin. Ce sont deux auteurs qui ont une culture très plurielle. Ils sont d’une génération où l’on peut aussi bien jouer à des jeux vidéo comme GTA que voir des films de Robert Bresson. Là encore, ils ne cherchent pas à imiter les codes du cinéma américain mais nous offrent une proposition très ambitieuse, qui respecte le premier degré inhérent à ce type de projets, tout en y introduisant leur univers si singulier qui est fait de décalage, de poésie, d’humour, avec un casting prometteur (Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi) et de vrais morceaux de bravoure. Le film est soutenu par France télévisions. Le tournage débute le 7 juin et s’achèvera fin juillet. Ça s’annonce assez épique.