Une rencontre distributeurs-exploitants réussie à l’Espace 1789

7 avril 2021
Le cinéma art et essai de Saint-Ouen a accueilli trois distributeurs, le 1er avril, pour leur permettre de projeter leurs films phares à une quarantaine d’exploitants franciliens.

Alors que la fermeture des salles perdure, les projections et les occasions d’échanger physiquement entre professionnels se font rares. A l’initiative de l’Espace 1789 de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), une rencontre s’est tenue le 1er avril autour de trois distributeurs – Outplay Films, Damned Films et KMBO –, qui ont profité de la journée pour présenter à une quarantaine d’exploitants franciliens les films phares de leur line-up. “Alors que notre salle restait vide, on a proposé à des distributeurs de leur prêter, explique Marine Riou, la programmatrice. Parmi eux, Thibaut Fougères, dirigeant d’Outplay, a eu l’idée de cette journée de rencontre avec plusieurs distributeurs, pour la rendre plus attrayante.”

La manifestation s’est ainsi déroulée dans une salle de 200 places, selon une jauge de 30%, dans le strict respecte des règles sanitaires. Et les retours des exploitants ont été plus que positifs, assure Marine Riou : Ils nous ont dit être très contents car, pour beaucoup, cela faisait longtemps qu’ils ils n’étaient pas retournés voir un film en salles, même si les projections presse reprennent un peu. Il y a une vraie lassitude du visionnage par lien et des échanges par email et téléphone. Il y a eu un temps d’échange, les exploitants ont pu discuter de la situation entre eux.” Et Thibaut Fougères de préciser: On a monté l’événement en six jours, c’était un sacré pari et on l’a tenu. Nous avions une programmation attractive avec deux films francophones et un britannique. Et si on a organisé cet événement avec Damned et KMBO, c’est parce qu’on est trois distributeurs de la même génération, qu’on s’entend bien et qu’on a déjà collaboré ensemble sur plusieurs sorties. Tout cela montre qu’il existe bel et bien une solidarité interprofessionnelle, qu’on est concurrents mais qu’on peut s’épauler.”

Voir comment le marché va se stabiliser

Pour les films, Outplay Films a présentés aux exploitants sa sortie la plus ambitieuse : Le Milieu de l’horizon, de Delphine Lehericey (photo), avec Laetitia Casta et Clémence Poésy. Aussi bien destine aux salles indépendantes qu’aux circuits, ce drame belgo-suisse se situe en 1976, alors que sévit terrible sécheresse qui tend les relations familiales chez le jeune Gus, fils d’exploitants agricoles. Le film devrait sortir sur 60 à 70 copies, “idéalement entre septembre et octobre”, explique Thibaut Fougères. “Je ne veux pas le sacrifier dès la réouverture, j’ai besoin de voir avant comment le marché va se stabiliser.” Il vise une cible plutôt féminine, de 50 ans et plus, même s’il revêt un aspect populaire qui pourrait attirer une tranche plus jeune. Le Milieu de l’horizon aura une campagne d’affichage parisienne, de film-annonce en salles, et une campagne digitale conséquente puisque Outplay s’en est fait une spécialité au point d’en mettre au point pour d’autres distributeurs.

Pour sa part, Damned a présenté le drame psychologique A la folie, d’Audrey Estrougo, avec Lucie Debay, Virginie Van Robby, Anne Coesens et Théo Christine (qui incarnera JoeyStarr dans Suprêmes, le biopic sur le groupe de rap NTM, aussi réalisé par Audrey Estrougo). Yohann Cornu, qui dirige Damned, espère pouvoir sortir le film au 3e ou 4e trimestre 2021, “mais ça dépendra aussi de quand sera daté Suprêmes, pour ne pas coller les deux films ensemble”. Prévu sur 80 à 120 copies, A la folie cible lui aussi un public majoritairement féminin, de 40 ans et plus, mais aussi tous ceux concernés par le sujet du film, qui évoque l’entourage des malades de troubles psychologiques et schizophréniques. Le distributeur prévoit à ce titre de mobiliser l’équipe du film et de travailler avec des partenaires associatifs pour organiser des débats et rencontres en salles après la sortie. La campagne pour A la folie se veut la plus ambitieuse de l’histoire de Damned, qui produit également le film, avec de l’affichage et un travail soutenu sur la bande-annonce “vraiment percutante”, aussi bien en digital que dans les salles.

Proposé par KMBO, le troisième film des rencontres était britannique ; Supernova met en scène Colin Firth et Stanley Tucci dans une poignante histoire d’amour entre deux hommes. Déjà présenté à San Sebastian et au London Film Festival, il aurait dû être projeté aux festivals d’Annonay et d’Alès – qui ont été déplacés à une date encore  à déterminer. “Nous n’avons pas envie de le montrer en ligne, en tout cas”, insiste Grégoire Marchal, le directeur de la distribution. Supernova sortira entre août et octobre sur environ 150 copies, en VO et VF, et devrait trouver sa place chez les indépendants comme dans les circuits. Il vise une cible cinéphile assez large, plutôt senior même si le sujet peut attirer les plus jeunes. Comme les deux autres films, il bénéficiera d’un affichage parisien. KMBO est par ailleurs en train de rechercher des partenaires  associatifs pour monter des débats pendant et après la sortie.

Reproduire la journée dans d’autres villes

Si ces plans de sortie demeurent encore hypothétiques, puisque tributaires de l’évolution de la situation sanitaires, les trois distributeurs sont cependant formels sur leur volonté de proposer ces œuvres en salle. Quant à l’Espace 1789, le lieu a aussi proposé au Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) de tenir un événement. Tout en restant prudent : “Pour l’heure, on guète les nouveaux décrets pour savoir si on va pouvoir continuer à faire des projections, même dans un cadre strictement professionnel, nuance Marine Riou. Nous allons donc attendre un peu. Les décrets ne tombent pas tous en même temps et nous ne sommes pas forcément alertés quand ils arrivent. En tout cas, notre journée ne se veut absolument pas en concurrence avec les journées de prévisionnement des réseaux comme le GNCR ou l’Afcae. Le but était de répondre ponctuellement à une demande précise et un peu urgente de la part de collègues. Notre volonté n’est pas de poursuivre cela sur le long terme.”

Après cette journée réussie, les trois distributeurs se posent maintenant la question de la reproduire dans d’autres villes, quand la situation sanitaire sera moins tendue. “Nous avons pris nos films les plus porteurs et les plus actuels, et ils vont bien ensemble, se réjouit Yohann Cornu. Cela donne une journée cohérente.”