Apaches et Digital District unis pour un cinéma "fort et différent"

9 septembre 2020
La présentation exclusive du "Dernier Voyage de Paul W.R" aura été l’un des grands événements du Festival du film francophone d’Angoulême.

 

La présentation exclusive du Dernier Voyage de Paul W.R aura été l’un des grands événements du Festival du film francophone d’Angoulême.

 

Des voitures volantes. Une lune rouge qui menace la Terre. Des astronautes. Des fusées. Un futur dévasté. On se croirait plongé dans un film américain des années 1980. Et pourtant, Le Dernier Voyage de Paul W.R est bel et bien une production indépendante française. Il s’agit du premier long métrage de Romain Quirot, qui adapte ici son court métrage récompensé dans de nombreux festivals internationaux et présélectionné aux Oscars en 2017 : “J’avais envie de montrer à quel point le cinéma français peut se confronter à des œuvres traditionnellement produites par les Américains ou les Asiatiques. Ce qui n’a rien d’évident dans un marché si frileux, qui se refuse à prendre des risques. J’ai heureusement été entouré par des producteurs talentueux qui m’ont accompagné dans cette folie.”

 

En effet, en plus d’être un premier film, Le Dernier Voyage de Paul W.R est également la première production de la société Apaches, fondée par Fannie Pailloux, ancienne collaboratrice de Luc Besson chez EuropaCorp. “Cela a été un vrai combat que de monter un tel projet, souligne Fannie Pailloux. J’ai pris des risques absolus, voire dangereux, pour ma société. Heureusement, j’avais déjà été confrontée à des productions de grande ampleur chez EuropaCorp. Luc Besson m’a inculqué qu’il y avait toujours une solution à tous les problèmes. Ce credo n’a jamais autant résonné en moi que sur ce film.”

 

Pour mener à bien ce projet auquel très peu de gens de l’industrie croient, Fannie Pailloux se rapproche de la société d’effets visuels de David Danesi, Digital District. Devant la qualité du futur film, Digital District décide, en plus de signer les effets visuels, de supporter leur budget, soit 800 000 euros, entrant ainsi en coproduction. “C’est l’association d’une maîtrise de la production à une maîtrise des effets spéciaux qui a permis à un film d’une telle ambition de voir le jour, explique David Danesi. Nous souhaitions donner une image forte et différente du cinéma français.”

 

 

Tournage express

 

“Impossible !”, “Trop ambitieux !” : le son de cloche est presque unanime chez les investisseurs vers lesquels se tourne Fannie Pailloux, quand bien même ils se montrent grandement intéressés par le projet. La plupart préfèrent décliner tout engagement. Même les aides du CNC comme celles dédiées à la “création visuelle et sonore” ou aux “nouvelles technologies” se sont toutes dérobées. Mais de précieux partenaires vont néanmoins s’engager, car ils ont décelé dans le film une promesse rare pour le cinéma français. A commencer par Boris Duchesnay, directeur des acquisitions chez OCS. Suivront Ciné+, un pool de Soficas composé de Manon 10 et Sofitvciné, ainsi que Christophe Toutlemonde, de Belga Productions, sans oublier Grégoire Melin, de Kinology, en charge des ventes internationales et qui a déjà vendu le film sur plusieurs territoires depuis le marché de Berlin.

 

Avec un budget initial établi à 7 millions d’euros, la production se lance dans des arbitrages draconiens pour réduire les coûts et ramener le budget final à 3,3 millions d’euros. David Danesi évoque ainsi le travail de réflexion pour réaliser des économies sans altérer l’ambition visuelle de départ : “Nous sommes revenus sur les axes narratifs afin de réaliser le film de la manière la plus maligne possible et trouver des solutions à chaque endroit : le scénario, la technique, le tournage.” Dans un souci de gestion drastique, le tournage se déroule en seulement cinq semaines, du 8 octobre au 9 novembre 2019, principalement dans le désert marocain. Un tournage express, effectué en équipe réduite et sans quelques chefs de postes-clés (scripte et premier assistant à la mise en scène), mais que le réalisateur a apprécié : “J’aime l’énergie qu’apporte ce genre de tournage. Il y a quelque chose de très artisanal qui m’a rappelé l’époque où je réalisais mes courts métrages. La préparation a été une étape essentielle pour que tout se déroule de manière limpide au moment des prises de vues. J’ai passé plusieurs mois à storyboarder chaque scène en m’appuyant sur des références qui me sont chères, comme le cinéma asiatique, la bande dessinée ou la peinture. Les chefs de poste ont ainsi pu visualiser quel serait l’univers du film.”

 

 

Original, fun… et très français

 

Bien que rempli de références visuelles aux productions de science-fiction américaines des années 1980 et 1990, Le Dernier Voyage de Paul W.R a été conçu dans une approche intimiste et politique propre au cinéma français, comme l’explique le réalisateur : “Je n’ai jamais voulu imiter les Américains, mais je tenais à parsemer le film de références au cinéma qui a bercé mon enfance, de Mad Max à Star Wars en passant par Blade Runner. Mon idée était de mêler la dimension spectaculaire de ces films à quelque chose de plus intime. On joue avec les codes du cinéma américain, on les assume, mais on les ramène à un terreau plus français. C’est ce qui nous permet de mixer une chanson d’Eddy Mitchell sur une scène de combat. Ou de faire voler une Renault ou une Peugeot. Je souhaitais aussi questionner notre rapport au monde dans lequel on vit et aborder les questions en lien avec l’écologie. Tout en faisant un film de divertissement original, fun et populaire".

 

Cette démarche faite de passion et d’engagement s’inscrit dans la ligne éditoriale d’Apaches qui souhaite justement, selon Fannie Pailloux, développer des œuvres à la fois spectaculaires, intimes et politiques : « Nous voulons aborder les grands enjeux de notre monde, mais toujours sous le prisme du divertissement. Notre génération n’adopte plus les mêmes comportements que ses aînés. Au contraire, elle a l’espoir de changer les choses. C’est ce discours d’espoir que nous portons au sein d’Apaches. Notamment à travers ce film qui démontre clairement que le cinéma français peut évoluer vers des univers plus singuliers.”

 

La sortie dans les salles françaises du Dernier Voyage de Paul W.R est d’ores et déjà programmée au premier semestre 2021. D’ici là, l’équipe accompagnera le film dans une large tournée en régions pour rencontrer le public. Les comédiens principaux, Hugo Becker et Lya Oussadit Lessert, seront évidemment de la partie tant cette expérience les a marqués : “C’est un rêve d’enfant que de jouer dans un film à l’univers aussi riche et fort. C’est un hommage au cinéma avec lequel nous avons grandi. Cela fait si longtemps qu’il n’y pas eu de tels films en France et cela a été un tel parcours du combattant de le faire exister que nous allons l’accompagner jusqu’à la fin.”

 

Nicolas Colle