Angoulême 2020 : « La Nuée » renouvelle le cinéma de genre français

31 août 2020
Présenté au Festival d’Angoulême dans le cadre de la carte blanche de la Semaine de la Critique, La Nuée semble inventer un nouveau modèle de production du cinéma de genre français.

 

Présenté au Festival d’Angoulême dans le cadre de la carte blanche de la Semaine de la Critique, La Nuée semble inventer un nouveau modèle de production du cinéma de genre français.

En nous plongeant dans un sujet de société contemporain tout en se réappropriant les codes du film d’épouvante, La Nuée se revendique comme le renouveau du cinéma de genre français. Aussi bien dans sa forme, son fond, que son modèle de production. L’histoire ? Une jeune agricultrice, spécialisée dans l’élevage de sauterelles, se voit confronter aux défis de la surproduction afin de subvenir aux besoins de ses deux enfants. La situation ne va pas tarder à engendrer une catastrophe écologique. Une œuvre teintée d’un réalisme social propre au cinéma français, comme on peut le trouver dans Petit Paysan et Au nom de la terre, mais qui assume des références plus américaines comme nous l’expliquent les deux scénaristes, Jérôme Genevray et Franck Victor : « Nous souhaitions élaborer une histoire fantastique qui soit réaliste. Un peu à la manière des Dents de la mer où un animal devient soudainement plus agressif qu’il ne le devrait. Les films de genre français étaient intéressants jusque dans les années 50 mais, depuis un moment, ils essaient d’imiter le cinéma américain. Nous, au contraire, nous souhaitions faire un film très français, avec une dimension sociale et politique. Même si nous avons des références assumées aux Oiseaux d’Hitchcock ou à La Mouche de Cronenberg. En inscrivant cette histoire fantastique dans une vérité paysanne rurale, avec toutes ses problématiques et ses enjeux, nous créons un vrai film de genre français. Un peu comme Julia Ducournau avec Grave ».

Renouveler le modèle de production

Si La Nuée se veut novateur dans sa forme, il l’est aussi dans son modèle de production. En effet, le film est l’un des premiers nés de la résidence d’écriture So Film, fondée par Thierry Lounas, dirigeant de du magazine So Film et de la société de production et distribution Capprici, en association avec le CNC, Canal+, la Sacem et Wild Bunch : « Canal+ n’avait pas réussi à mettre en place un cinéma de genre français au sens large. Autrement dit un cinéma de l’imaginaire qui regroupe la science-fiction, le thriller, le polar et le cinéma d’aventure. So Film ayant traité beaucoup de sujets autour de ces thématiques, elles sont naturellement inscrites dans notre ADN. Par chance, le CNC souhaitait compléter les « trous » éditoriaux du cinéma français et ne pas seulement s’inscrire dans une logique d’accompagnement mais aussi être force de proposition ». L’un des atouts de la résidence est de rassembler tous les acteurs du processus de création d’un film, des auteurs aux réalisateurs, des compositeurs aux illustrateurs. L’idée étant qu’un réalisateur puisse mettre en scène un scénario qu’il n’aurait pas écrit afin d’y apporter sa vision. Ici, c’est Just Philippot qui assure la réalisation de ce premier long métrage : « j’ai initialement intégré la résidence So Film pour un court métrage que j’ai écrit puis réalisé et qui a fait penser aux auteurs et aux producteurs que je pourrai tenir les deux promesses du film. À savoir : apporter une facture visuelle ambitieuse tout en développant les personnages. Nous nous sommes parfaitement accordés quant au fait que nous souhaitions « marier » le cinéma de Raymond Depardon à celui de Jeff Nichols et réussir ce pont entre le réel et le fantastique ».

Une anticipation bienvenue

L’autre avantage de la résidence So Film réside dans cette mise en relation de tous les collaborateurs afin d’anticiper au mieux les problématiques techniques du tournage : « Nous sommes davantage une résidence de création que d’écriture. Nous avons rassemblé tous les corps de métiers de manière à anticiper au mieux la préparation et la production d’un film. L’important étant de faire les bons arbitrages artistiques et financiers afin de préserver une créativité importante sans pour autant exploser les budgets » nous explique Thierry Lounas. Une démarche qui, dans le cas de La Nuée, aura été particulièrement fructueuse dans la conception des effets visuels avec le superviseur VFX, Antoine Moulineau, désormais chez Digital District après avoir collaboré avec James Cameron sur Avatar et Christopher Nolan sur The Dark Knight : « Cela rejoint l’aspect cohérent et collectif du projet. En collaborant ensemble dès les prémices de la production et même sur le tournage, Just a pu faire comprendre à Antoine que les effets visuels devaient être mis au service du film et ne devaient pas déconnecter les spectateurs des enjeux dramatiques » témoigne le fondateur de la résidence.

Un film pour toutes les salles et tous les publics

Coproduit par Capricci et The Jokers, également codistributeurs, La Nuée a été tournée pour un budget de 3 millions d’euros. Les régions Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine ont participé au financement. De même qu’Arte, Canal+, Ciné+ et Wild Bunch qui assure les ventes internationales. D’ailleurs, avant même que le film ne soit sélectionné par la Semaine de la Critique, il avait été préacheté par Netflix qui le diffusera partout dans le monde, excepté la France, à compter du mois de décembre.

 

Sélectionné aux Rencontres de l’AFCAE, La Nuée a complètement séduit son audience. Aussi bien les exploitants des salles art et essai que les représentants des grands circuits. Ce qui devrait permettre aux Bookmakers, en charge de la programmation, de le positionner assez largement auprès du grand public et de le travailler dans la profondeur : « Les exploitants art et essai nous ont fait savoir que lorsque Grave est sorti, ils avaient senti que quelque chose de neuf arrivait mais ils n’en avaient pas saisi l’ampleur et ils ne s’en étaient pas emparés comme ils auraient dû le faire. La Nuée arrive à un moment où les exploitants art et essai ont comprit qu’il était possible pour le cinéma français de s’emparer du genre et des effets spéciaux tout en s’adressant à leur public. Désormais, tous sont prêts à s’emparer d’un film comme celui là et à le porter » s’enthousiasme Julien Rejl, responsable des acquisitions chez Capricci. La Nuée sortira dans les salles françaises le 4 novembre 2020.