Angoulême 2020 : Cinq questions à Ana Girardot
Vous entretenez une relation privilégiée avec le Festival d’Angoulême où vous avez notamment présenté « Bonhomme » il y a deux ans, « Deux Moi » l’année dernière et « Cinquième Set » cette année. Quel regard portez vous sur cette manifestation ?
Ce festival marque les retrouvailles de toutes les composantes du cinéma français. Aussi bien les réalisateurs que les acteurs, les producteurs, les distributeurs, les exploitants et les journalistes. C’est très stimulant de pouvoir échanger avec autant de corps de métier alors que nous sommes tous dispersés sur nos tournages respectifs tout au long de l’année. Et c’est d’autant pus précieux aujourd’hui après tout ce que nous avons vécu ces derniers mois.
Avez-vous vu certains de vos projets s’interrompre durant le confinement ?
Je tournais un film d’Arnaud Malherbe qui s’intitule Ogre. Nous avons heureusement pu reprendre le tournage qui est désormais terminé. J’y incarne une mère qui fuit avec son fils pour échapper à un époux violent. Ils trouvent refuge dans un village où ils espèrent pouvoir entamer une nouvelle vie. Malheureusement, l’enfant se montre vite persuadé qu’un ogre l’épie et va le prendre en chasse.
Je devais aussi réaliser mon premier court métrage que je vais finalement tourner mi septembre à Venise. Il sera produit par Matthieu Zeller d’Octopolis. C’est l’histoire d’une demande en mariage qui va virer au drame. J’y dirigerai Alexis Michalik et Lou Lampros.
Puisque nous sommes au Festival d’Angoulême, vous avez vous-même eu l’opportunité, à plusieurs reprise, d’être membre d’un jury. Notamment à Deauville, Gérardmer et Marrakech. Que retenez vous de ces différentes expériences ?
Au delà du plaisir de voir des films et de pouvoir échanger avec les équipes, je trouve que les délibérations pour élaborer un palmarès permettent d’affuter ses arguments et sa force de persuasion. À titre personnel, je suis toujours parvenu à défendre les films pour lesquels j’avais eu un coup de cœur. Même lorsque certains d’entre eux n’étaient pas considérés par les autres jurés, je me démenais pour qu’ils obtiennent une mention spéciale tant ils me semblaient incontournables.
Vous qui avez collaboré avec de nombreux et de grands metteurs en scène, à l’instar de Cédric Klapisch, qu’est ce qui vous a surpris dans votre collaboration avec Quentin Reynaud, le réalisateur de « Cinquième Set » qui signe là son premier long métrage ?
Le film de tennis, ou de sport au sens large, est quelque chose de très rare dans le cinéma français. C’est un sujet que l’on retrouve davantage à Hollywood ou dans les productions britanniques. Concernant ma collaboration avec Quentin, je lui ai trouvé deux très grandes qualités. Tout d’abord, son ouverture d’esprit. Car, bien que j’avais adhéré à son scénario, je lui ai fais savoir que mon personnage pouvait être qualifié de « femme de ». Or, ce genre de rôle ne m’intéresse vraiment plus. Je me suis donc permise de lui suggérer d’ajouter certains éléments afin que le personnage soit plus étoffé, plus proactif. Et il a accepté. De plus, habituellement, les enjeux financiers sont si importants sur un tournage que toutes les équipes ont prit l’habitude de tourner toujours plus vite afin de limiter les coûts. Mais Quentin, bien au contraire, souhaitait que l’on prenne le temps de faire exister la relation et la proximité entre mon personnage et celui d’Alex Lutz. Il souhaitait qu’on trouve notre propre rythme et qu’on se laisse saisir par l’émotion d’une scène. Il adaptait sa réalisation à notre jeu. C’est devenu extrêmement rare de procéder ainsi.
Vous dites, à juste titre, que certains rôles ne vous intéressent plus. De quoi avez vous besoin désormais pour vous lancer dans un nouveau projet ?
Je deviens de plus en plus exigeante quant au choix de mes rôles. Même si, au delà de cela, j’ai aussi envie de faire partie d’un film parce que j’ai été séduite par son histoire, son metteur en scène et que je souhaite collaborer avec les acteurs qui y sont déjà associés. D’autant plus que j’aime profondément me retrouver sur un plateau. Mais le seul fait de tourner ne me suffit plus. J’ai besoin de rôles forts que j’estime avoir le droit de jouer et que je pense, en toute modestie, avoir mérité maintenant que je travaille depuis plus de dix ans.
Propos recueillis par Nicolas Colle