Paysage avant la bataille - l'édito d'Eric Libiot

18 décembre 2024
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient pour la dernière fois cette année sur l'actualité de la semaine écoulée et les enjeux de celles à venir.

Bilan et perspectives, traditions et modernité, en même temps et pourquoi pas, Top 5, Top 10, Topkapi… Le mois de décembre est propice aux points d’interrogation, aux points de suspension, et parfois aux points finals. C’est évidemment l’ambiance à l’Elysée, à Matignon et à l’Assemblée nationale, le trio infernal de l’actualité, c’est aussi le cas dans les secteurs qui s’agitent en ces pages : le cinéma, l’audiovisuel, les plateformes, le numérique… Il n’est pas d’ailleurs pas sûr que la trêve des confiseurs soit à ce point respectée. En tout cas en politique. Voir les boules de Noël ou avoir les boules à Noël : là est la question.

Côté écrans, ça va sans doute un peu se calmer pendant les fêtes. Les préparatifs de la reconfiguration ont eu lieu ces dernières semaines et chacun sait maintenant que la bataille s’annonce, à défaut de savoir exactement à quoi s’en tenir. Tout est évidemment lié comme dans un jeu de dominos : l’Arcom retire sa fréquence à C8, Canal + retire ses chaînes de la TNT qui, dans la foulée, confirme sa cotation en bourse à Londres et sa scission s’interroge sur une nouvelle chronologie qui lui permettrait de diffuser des films plus tôt moyennant une augmentation de ses investissements dans la production cinéma ; cinéma qui a vu sa fréquentation reprendre des couleurs alors que les films français s’affichent régulièrement en pole position au box-office et dans lieux où l’on distingue les uns ou les autres, confère notamment Emilia Pérez de Jacques Audiard qui truste les nominations aux Golden Globes avant d’entamer le sprint vers les Oscars et d’être visible sur CanalVOD le 19 décembre et pour les abonnés en 2025 puisque Canal + reste, selon la formule, le “grand argentier du cinéma français”. Oui, mais pour combien de temps ? Ce sera l’enjeu de la nouvelle année.

Dans un entretien au Figaro, Maxime Saada, patron de Canal +, répond ainsi à une question de Caroline Sallé sur, justement, sa place de grand argentier : “Ce retrait [de la TNT] nous rend simplement plus agiles. Est-ce que Canal+ souhaite réduire significativement ses obligations ? Pas nécessairement. Est-ce qu’il souhaite avoir la capacité de le faire ? Certainement.” Il faut noter la brillante rhétorique d’un homme qui ne parle jamais pour ne rien dire. La réponse est à la fois diplomatique, caressante et inquiétante. Maxime Saada ne s’interdit rien, pas même de renverser le jeu de quilles avec une grosse boule. Faut donc pas venir le chatouiller, lui qui sait pertinemment que le paysage va changer après la bataille.

2025 ouvre assurément une nouvelle ère dans l’audiovisuel et, en conséquence, dans le cinéma. Des nouvelles chaînes sur la TNT, des historiques qui se redessinent plus ou moins vite en plateformes, des plateformes qui redéfinissent leur offre, un service public qui… Qui quoi d’ailleurs ? Qui rien. Ou pas grand-chose. Personne ne sait. Le monde politique, pris dans son ensemble pour ne pas faire de jaloux, a peut-être d’autres chats à fouetter en ce moment, n’empêche que les acteurs privés du secteur ne vont pas se croiser les doigts et attendre qu’il réagisse. Ils vont continuer leur business. De leur point de vue, c’est normal. Mais ce monde politique, trop occupé à se caresser l’égo, doit faire son travail sous peine de laisser chacun se débrouiller sans lui. Ce serait la pire des fautes. Il faudrait déjà qu’il nomme les têtes de l’Arcom et du CNC. Les dossiers chauffent. Bonnes fêtes et à l’année prochaine.