Cyriaque Bayle « Développer les relations entre réalisateurs et experts au profit de la création »

21 mai 2023
Le ministère de l'Intérieur et des outre-mer vient de créer une mission cinéma pour développer, promouvoir et mieux faire connaître les métiers de de cette administration. A l’heure où le genre “polar” bat son plein sur grand écran comme sur les moins grands, cette initiative est plutôt bien accueillie par les professionnels du secteur. Rencontre avec Cyriaque Bayle, membre de cette mission.

Parlez-nous de la mission cinéma au sein du ministère de l’Intérieur et des outre-mer ? Et quoi consiste-t-elle ?

Cette initiative part d’un double constat. Il n’est pas évident pour les professionnels du cinéma de trouver le bon interlocuteur pour l’accompagner dans l’écriture d’un scénario ou sur un tournage qui touche à notre univers. Il y a des initiés, bien sûr, ayant déjà travaillé avec des policiers, des pompiers, des préfectures. Beaucoup ne savent pas comment s’y prendre.

D’autre part, nous regroupons au ministère des métiers atypiques, des témoignages de femmes et d’hommes, qui per- mettent de raconter de nouvelles histoires, des lieux à explorer que nous pourrions davantage mettre en valeur. Nous avions déjà une unité de valorisation de l’immobilier depuis une douzaine d’années, qui propose la mise à disposition de lieux pour les producteurs : préfectures, commissariats, gendarmeries… La mission cinéma (accessible à l’adresse suivante : mission-cinema@interieur.gouv.fr) va dévoiler encore plus nos univers, celui du ministère de l’Intérieur (qui n’est pas forcément très bien connu) grâce à un guichet unique et permanent facilitant le travail des professionnels de l’audiovisuel. Cette mission mettra en relation producteurs et réalisateurs avec des équipes de nos différents services pour un accompagnement logis- tique, du prêt de matériel, allant jusqu’aux hélicoptères, avions, équipements divers, et lieux de tournage dans l’Hexagone (en ville, à la cam- pagne ou à la montagne) ainsi qu’en outre-mer. Le film Pacifiction en Polynésie française, en est une illustration.

Qu’en est-il de l’expertise des personnels ?

Il va sans dire que la mission cinéma met déjà en relation scénaristes et réalisateurs avec des experts métiers du ministère. On voit souvent les enquêteurs et la police judiciaire, mais il y a également des cyberpatrouilleurs, des cyber-enquêteurs, des gendarmes spécialisés dans les atteintes à l’environnement.

Comment accède-t-on à ces services ?

Sur le site du ministère figure un accès à notre équipe, décliné dans tous les sites Internet de tous les services des préfectures. Nous sommes présents à Cannes à la Quinzaine des cinéastes avec des experts métiers, des pilotes de canadair, des membres du RAID, des sous-préfets et des cybergendarmes. On travaille aussi avec des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure pour discuter et échanger afin de faciliter la vie des producteurs.

Combien de temps faut-il pour déposer un dossier ?

On conseille en général quatre semaines avant le début d’un tournage. Des équipes de l’unité de valorisation du patrimoine examinent la qualité du dossier. La plupart des producteurs ayant déjà travaillé au ministère pour un film, le recontactent pour le film ou pour des séries. Il y a déjà un catalogue des lieux qui ont servi à des tournages. Mais il arrive aussi que l’équipe de tournage ait repéré un lieu non répertorié. On examinera de toute façon la demande.

Beaucoup de métiers dans la police restent méconnus…

Oui, tout à fait. On a tendance à réduire le ministère de l’Intérieur et des outre-mer à la police, au moins dans le genre. Il y a un double enjeu de meilleure connaissance, au sein de la police, mieux faire connaître ses métiers. Certains ont été très peu, voire pas du tout représentés à l’écran. D’autres montent en puissance grâce à la transformation numérique et la transition climatique, de métiers qui n’existent que depuis quelques années, et puis il y a les cyberpatrouilleurs, les cyber-enquêteurs qui tractent des contenus pédo-pornographiques ou terroristes en ligne. Vous avez aussi des gendarmes spécialisés dans la maltraitance animale ayant enquêté notamment sur des vagues de mutilation de chevaux.

Les équipes dans les commissariats, ou dans l’administration même de la police, sont appelées à figurer, ou à réellement jouer aussi dans les films…

Cela fait partie d’un dialogue entre l’équipe de tournage et les fonctionnaires sur place. Ça peut être de la figuration. Tant qu’il y a l’accord de la hiérarchie. Ce qui est plus répandu, ce sont les immersions. Par exemple, pour La nuit du 12 tourné à Grenoble avec la police judiciaire, il y a eu une immersion du réalisateur (Dominik Moll) et de membres de l’équipe de casting pendant plusieurs jours. Cela donne souvent de bonnes idées pour enrichir tel ou tel aspect du film.

Propos recueillis par Michel Abouchahla