Une tribune dénonce la faible rétribution des auteurs par les plates-formes

30 novembre 2021
Plus de 150 cinéastes de la nouvelle génération s’alarment sur la rémunération de leur travail par les plates-formes.
SRF signataires tribune
Les signataires de la tribune.

La SRF (Société des réalisateurs de films) a publié, lundi 30 novembre, sur son site en ligne une tribune titrée Plates-formes : la fin de nos droits d’auteur ? Le texte a également été repris par le quotidien Le Monde. A l’initiative de la SRF, plus de 150 cinéastes de la nouvelle génération, parmi lesquels Julia Ducournau, Palme d’or au dernier Festival de Cannes, et Audrey Diwan, Lion d’or à la Mostra de Venise en septembre, alertent sur l’émiettement annoncé des droits de diffusion de leurs œuvres. Les jeunes cinéastes, ayant réalisé un ou deux longs métrages, s’adressent à « celles et ceux qui entendent bâtir le monde de demain ». Ils alertent sur le démembrement du modèle vertueux pour les auteurs et pour la création « que personne ne semble en prendre la mesure ». Le texte de la tribune rappelle que durant les 30 dernières années, les droits reversés aux cinéastes par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) en contrepartie d’une diffusion télévisuelle de leurs œuvres ont permis à chaque auteur diffusé de vivre entre deux films et d’initier de nouvelles écritures ; les droits d’exploitation étant leur seule rémunération durant l’écriture.

Les signataires de la tribune pointent que sur une plate-forme de vidéo à la demande sur abonnement : « Il n’y a actuellement aucune assurance de montant, tout y est mouvant, car la quantité d’œuvres proposées et le nombre de vues changent sans cesse. Mais on estime, par exemple, qu’un préachat sur Netflix assurerait une part fixe minimum permettant de vivre entre trois jours et deux semaines au Smic. » Ils estiment, qu’après une sortie en salle , la première diffusion sur Netflix d’un film de cinéma cumulant un demi-million de vues françaises, permettrait, selon le contexte, de vivre quatre mois au Smic. Le même film passant sur Netflix après avoir été diffusé sur une autre chaîne, pour le même nombre de vues, permettrait de vivre environ un mois et demi au Smic.

Une catastrophe annoncée

Les auteurs de la tribune juge que « l’“ubérisation” de la majorité des cinéastes de fiction et de documentaire est en marche, signant la fin d’un modèle protecteur pour les individus, leurs droits sociaux et leur juste rémunération », alors même que les plates-formes ne se sont jamais aussi bien portées, « la crise sanitaire ayant amplifié leur déploiement ». « C’est une catastrophe annoncée, d’autant plus sûre qu’elle a déjà eu lieu dans le monde de la musique – parce que rien n’avait été pensé pour les auteurs à l’arrivée du streaming. Pour le cinéma, il n’est pas encore trop tard, et il n’y a aucune fatalité à s’engouffrer dans ce travers », préviennent les signataires.

Mais malgré leurs appels à l’aide, ils disent n’avoir, à ce jour, reçu aucune solution concrète du CNC, de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, de la SACD et la ministre de la Culture. La tribune juge essentielle un encadrement précis de la production et de la diffusion via la chronologie des médias, tant par la loi que par les accords interprofessionnels. "Si la ministre [de la Culture] est effectivement celle des artistes auteurs, alors elle doit proposer un encadrement législatif et transparent concernant nos droits de diffusion", plaident les signataires, estimant que la SACD se retrouve bien seule aujourd’hui dans ses négociations face aux géants du streaming.

Un nouveau mode de rémunération

Les auteurs de la tribune se disent convaincus que la disruption engendrée par la diffusion en streaming doit être « accompagnée d’un nouveau mode de rémunération, dont les mécanismes restent à créer » et qu’il en va de même pour sa répartition, « le simple calcul par nombre de minutes et de clics est un désastre pour la majorité des cinéastes, alors qu’un système plus solidaire est possible ». « L’appauvrissement des auteurs n’est pas inéluctable, c’est un choix de société », dénoncent-ils. Les signataires souhaite que soit renforcer la SACD dans son rôle, en encadrant légalement et précisément les redevances des opérateurs en faveur des auteurs. Ils que soit adopter de nouvelles règles de répartition mutualisées et solidaires, revenir à une TVA à 5,5% pour leurs droits de diffusion et instaurer une redevance plus conséquente des fournisseurs d’accès à Internet, « qui bénéficient grandement de ces bouleversements technologiques ? » En conclusion, ils demandent que les auteurs soit placer « au cœur de la création de demain ». La tribune et la listes des signataires sont disponibles en ligne sur le site de la SRF.